vendredi 25 octobre 2013

Pitcher à la volée

Récemment, j'ai pris connaissance de l'excellent article d'Agnès Marot (une auteure talentueuse à découvrir très vite) sur les pitchs, et encore plus récemment, j'ai dû me plier à l'exercice pour me préparer à diverses choses, dont quelques salons de fin d'année.

Apprenez que j'ai longtemps eu un gros souci avec cette fameuse question :
"Alors, de quoi est-ce que ça parle ?"
Mon sentiment de l'époque, mais ça, c'était avant.
Précédemment, quand on me cueillait par surprise, j'ouvrais de grands yeux de poisson frit sur le point d'être gobé, et je bafouillais un truc sans queue ni tête, soit trop court (c'est une histoire avec des gros monstres), soit trop long ("(...) J'en étais où au fait ? ").

Quand la personne en face cherche un moyen de s'échapper

Dans le métier, c'est important de savoir présenter ses textes. Je vous assure que c'est affreux de lire le désespoir dans le regard de votre interlocuteur. C'est encore pire quand il s'agit d'un éditeur intéressé par vos projets.

 En tout cas, j'ai mis au point une recette, car j'ai eu la chance de recevoir les commentaires d'une experte sur l'une de mes tentatives et on va dire qu'un peu de lumière est entrée dans la caverne de mon cerveau.

Bon, alors, cette recette ?


Déjà, lisez bien l'article d'Agnès Marot, parce qu'en réalité, j'utilise une variante. J'ai testé sur mes bouquins, ça marche.

Avertissement : les exemples suivants ne sont pas des pitchs "travaillés" pour accompagner un envoi de manuscrit : ils sont pleins de répétitions.

C'est parti.

1. J'expose grosso modo de quel genre de roman il s'agit:
Siwès:
 La Guerrière Fantôme est un roman de fantasy, tout public, accessible dès 15 ans.
ASLO
Au Sortir de l'Ombre est un thriller fantastique, qui se passe à Londres en 1890, à l'époque de Jack l'éventreur.

2. Ensuite, je présente le personnage principal (ou si ce n'est pas possible, je parle du groupe de  protagonistes) que je place dans la situation initiale au début du roman.

Siwès
La nuit, pendant ses rêves, Siwès se projette dans un monde peuplé de dragons et de diverses créatures fabuleuses.
ASLO
C'est l'histoire de trois tueurs qui se trouvent envoyés en mission spéciale de protection, auprès d'une prêtresse qui retient enfermé un monstre dans son ombre.

3. Vient maintenant l'élément déclencheur du roman, ce qui vient lancer l'histoire à proprement parler.
Siwès
Un tigre fabuleux lui révèle sa nature d'esprit guerrier et la pousse, de fil en aiguille, à prendre part à la guerre qui ravage son monde.
ASLO
La situation échappe à leur contrôle et ils prennent la fuite avec la prêtresse, avec d'autres tueurs de leur propre organisation lancés à leurs trousses.

4. Ensuite, je termine par une ouverture :
Siwès
Siwès décide de trouver un moyen de vaincre les armées ennemies, sans se douter qu'elle est sur le point de bouleverser le cours de sa propre existence.
ASLO
Nos héros en viennent à mener l'enquête sur ces traîtres sans se douter qu'en toile de fond, ce sont les monstres de l'ombre qui tirent les ficelles.
(Mon arme fatale: le sans se douter que, pour créer de l'ironie dramatique. ;-) )

5. (Optionnel) En fonction de l'interlocuteur, vous pouvez parler des sources d'inspiration et/ou des livres qui se rapprochent du vôtre et/ou des thèmes et/ou ce que vous promettez (frisson, boules de feu, beaucoup de dragons).

Hum.

A l'oral, cela passe beaucoup mieux.

Les détails qui tuent



L'important, c'est de faire court et d'éviter au maximum de donner des détails (sauf si on vous pose des questions).
Soyez concis.

Surtout, surtout, évitez d'énumérer des noms. A la limite, utilisez celui du protagoniste principal, mais n'en donnez pas d'autres, l'interlocuteur ne les retiendra pas. Au contraire, plus ils se multiplient, moins il les retient, et plus vous risquez de présenter les personnages, de vous étaler, de partir dans une mauvaise direction.

Evitez également d'utiliser des termes trop spécifiques à votre roman. Par exemple, au lieu de parler d'agents et de traqueurs dans la présentation d'ASLO, j'ai employé le terme de "tueurs" qui parle à tout le monde.

En réalité, c'est surtout ce conseil à propos des noms qui m'a permis de changer radicalement ma façon de présenter mes textes. Avant, je sentais que certains noms semaient la confusion de mon interlocuteur et je m'empressais de les expliquer. Et je partais loin...

Moments de solitude, hum, bref.

Tout s'apprend


Si comme moi, vous n'êtes pas très à l'aise avec l'exercice, préparer une petite fiche de présentation à l'avance s'avère bien utile. S'entraîner en solitaire ou sur des copains, aussi. Tout est bon pour ne pas se transformer en patate au moment fatidique où vous devez donner envie de lire votre livre.

J'ai testé lors de la convention Scorfel, en apportant naturellement des variantes en fonction des interlocuteurs et je m'en suis très bien sortie.

J'ai dédicacé plein de bouquins samedi dernier !

lundi 14 octobre 2013

Les réseaux sociaux

Comme un certain nombre d'auteurs, j'ai mis en place des outils type réseaux sociaux, compte twitter & page fan facebook, ainsi que des boards pinterest, en plus de ce blog.

La question qui revient : est-ce que ça vaut le coup ?


Entretenir une présence sur le web a un coût qui s'évalue en minutes voire en heures hebdomadaires, alors il est légitime de s'interroger, n'est-ce pas ? Je n'ai pas d'avis tranché sur la question.

Tout dépend de la façon de communiquer, et surtout des attentes qu'on place dans ce type de réseau. Il faut évaluer le retour sur investissement, en quelque sorte. Même en déployant une énergie folle, il est difficile d'obtenir des centaines de fans en quelques jours (sauf si vous êtes déjà connu de votre public). Il n'y a pas de recette miracle pour que la sauce prenne, à part le travail et l'expérimentation.

C'est ce que je me dis tout le temps pour ne pas être déçue.


Pour fédérer autour d'un nom ou d'un livre, il faut publier des informations intéressantes, et ce, régulièrement, sans lasser l'auditoire. La tâche n'est pas aussi aisée qu'il y paraît. L'actualité d'un auteur peut ressembler à un encéphalogramme plat lorsqu'il  est occupé à écrire un projet et qu'il n'a pas de parution prévue à court terme. C'est un peu plus compliqué pour un auteur de "nourrir" un auditoire par rapport à un éditeur, par exemple, dont l'actualité est rythmée par les annonces des futures parutions, les chroniques concernant son catalogue, les apparitions de ses auteurs sur les salons, les jeux-concours, etc.

Donc, il faut produire du contenu, mais en plus, il faut tenir sur la distance.

Le terme contenu, je ne trouve pas ça terriblement respectueux pour le lecteur, comme pour l'auteur. On rentre dans la logique marketing, comme si nous devenions des produits, tout autant que nos livres. Heurk.

Je préfère m'intéresser au cadre humain de l'échange. Donc oui, selon moi, ça vaut le coup si vous avez envie de discuter avec vos lecteurs à travers ces médias.Voilà, le dialogue, c'est la clé. Je crois que si vous avez envie de communiquer avec vos lecteurs, que vous le faites avec plaisir, les liens se créent naturellement, un peu comme dans la vraie vie.

Si vous avez plus d'attentes que de simples contacts avec vos lecteurs, cela dépendra de votre succès à bâtir  une communauté active qui vous rendra visite sur les salons, publiera des avis (ce qui est précieux) ; rien que ça, c'est formidable*.  Cerise sur le gâteau, cela peut peser dans la balance pour certains votes de prix des lecteurs.

Cependant, attention : mille fans ne veut pas dire mille ventes, ni mille personnes qui lisent tout ce que vous postez.

Qu'est-ce qui marche bien ?


Soyons honnête. ^__^°
Difficile à dire. Il y a plein de profil d'auteurs qui partagent des réflexions sur leur quotidien, leur actualité, leurs convictions, leurs projets en cours, leurs lectures, leurs chats, leurs apparitions publiques, leurs travaux de couture.

Si vous vous posez la question de ce que vous pourriez publier, je vous conseille de les suivre à votre tour et de définir ce que vous êtes prêt(e) à faire ou non. Il vaut mieux rester soi-même à mon avis, cependant certains auteurs mettent en place de véritables stratégies.

Vous pouvez vous renseigner sur le Community Management et la toile ne manque pas de conseils pour "cultiver son influence" (j'admets un soupçon d'ironie). A vous de séparer le bon grain de l'ivraie. Je me rappelle avoir lu les conseils d'une auteure qui a créé une page fan dédiée à un de ses personnages, et elle lui donne la parole tous les jours. Le personnage a sa propre vie virtuelle et souhaite même son anniversaire à chaque fan. Bref, c'est un travail de dingue.

De mon côté, je n'ai pas de stratégie. Je m'exprime quand j'en ai envie, sans contrainte, joyeusement, et je laisse le temps faire son oeuvre. Mon "public" s'élargira avec les nouvelles parutions. Je ne suis pas une communicante "née" ou une personne formée à la communication. Alors, en plus de relayer les infos sur mes bouquins, je me contente de poster ce qui me passe par la tête. D'ailleurs, ça me convient bien qu'on me suive pour cette raison et les échanges que j'ai par ce biais me suffisent.

Concrêtement, est-ce que cela rapporte des ventes ?


Oui et non. Comme je le disais plus haut, mille fans, ce n'est pas mille acheteurs.

Une communauté de fans ne suffit pas à franchir la barre des quinze mille ventes. Je sais, vous connaissez des contre-exemples, comme la série d'Oksa Pollock où le bouche à oreille qui a conduit le bouquin au succès. Je pense que le succès doit plus au bouquin en lui-même, qui plaît et dont on parle du côté des lecteurs (ceux-ci n'appartenant pas forcément à vos fans visibles).

Malgré un investissement conséquent, vous pourriez être déçu. Il ne vaut mieux pas compter uniquement sur les réseaux sociaux pour vous donner une notoriété. Celle-ci découle de nombreux paramètres, dont font partie le travail de l'éditeur, ses relations avec la presse, les invitations qu'il vous dégottera pour les salons, etc.

Les gars qui sont réellement connus n'ont pas besoin d'entretenir une page facebook ou un blog, ou alors ils embauchent des gens pour le faire à leur place.

Autre point : la portée des réseaux est aussi sujette à la critique. Je vous suggère de lire par exemple les articles de Lionel Davoust concernant facebook:


J'adore le blog de Lionel Davoust.

Les réseaux sociaux, un piège ?


Dans mon article sur les chroniques, j'ai parlé des dérives potentielles liées aux fans qui ont un tempérament de chevalier des croisades et je ne vais pas revenir là-dessus. Mais il est clair qu'avoir une communauté en interaction directe avec soi peut également poser des problèmes.

L'activité est chronophage:
  • Le phénomène d'addiction existe (vérifier ses interactions (like ou favorite), ses messages, ses commentaires).
  • Il y a une net-étiquette à respecter - il faut liker en retour pour dire qu'on a lu, il ne faut pas oublier de répondre aux questions - enfin, si j'ai bien compris ; j'avoue que pour tweeter entre les RT et les codes, parfois je ne comprends rien.
  • Les interactions peuvent dériver (ma technique, un bon troll est un troll bloqué - ne nourrissez jamais une discussion avec un troll).
  • Il y a aussi des petites dérives comme des gens qui vous postent des pubs pour leurs bouquins dans vos commentaires (la touche suppr est mon amie).
Level: Beginner (moi)
C'est plutôt tranquille. Régulièrement, des lecteurs vous envoient un message ou vous commentent. RAS.

Level: Intermediate
Passé quelques milliers d'exemplaires, en imaginant que votre plan de conquête du monde se déroule comme prévu, il est possible que vous ressentiez une certaine pression via ces moyens, surtout si vous devez livrer une saga, à coup de plaintes diverses et variées concernant les rythmes de parution, les couvertures qui plaisent ou non, etc.

Level: Star
Quand les lecteurs sont vraiment nombreux, les courriers se multiplient, et avec, les demandes, les attentes, ça prend des proportions folles. Neil Gaiman a parlé de prendre un congé "réseaux sociaux" pour avoir le temps de s'ennuyer et d'écrire. George R.R. Martin subit une pression incroyable de la part de ses fans.

(Je vous conseille également de lire http://www.fantasy.fr/articles/view/9521)

C'est quand même un exercice de haut vol


Je disais plus haut qu'il suffisait d'être naturel, mais bon, méfiez-vous. Une page ou un compte public, ce sont des images que vous fabriquez. Les gens que vous touchez ne vous connaissent pas forcément. C'est un peu la place publique, internet, surtout dans les réseaux sociaux où il y a beaucoup de gens qui circulent.

Il est tentant de se "lâcher" sur sa page (plainte, cris d'amour, râlerie), mais  la somme de vos posts constituent votre image, en particulier les derniers visibles dans le marécage numérique ; il vaut mieux se lâcher sur son compte privé pour éviter les déformations et interprétations (vous faites comme vous voulez, évidemment).

Arf.

Je n'aime pas m'imaginer avec un porte-voix, tout sourire, en balançant mes news et des gifs de chats dans une avenue déserte, mais il faut reconnaître qu'internet est loin d'être un salon de thé cosi avec un nombre connu d'interlocuteurs.

Je le vis comme une grande voie où les badauds s'attroupent, invisibles, autour des discussions que j'ai avec quelques personnes. Ceux qui "likent" indiquent qu'ils écoutent et approuvent. Les autres écoutent, parfois à peine, juste le temps de passer, d'autres tendent l'oreille et jugent. Il y a un petit côté glauque, hein. Les interactions avec les utilisateurs rendent la chose très supportable, comme des visages qui vous sourient à travers la nuée. ;-)

(Si vous lisez entre les lignes, vous devinez que je suis plus timide qu'il n'y paraît de prime abord. ^_^)

Est-ce qu'il y a des erreurs à ne pas commettre ?


Méfiez-vous de la publication d'extraits. Emporté(e) par l'euphorie d'un passage fraîchement écrit, on peut avoir envie de publier un petit bout sur sa page pour ceux qui suivent la rédaction du bouquin, mais attention au fucking faux pas:

  • choisir un passage que personne ne comprendra hors contexte.
  • publier un truc avec des fautes d'orthographe, ou des problèmes de construction, ou des répétitions.
  • Spoiler un élément clé que les lecteurs vous reprocheront (ça a un petit côté amusant, quand même  ^^)

Il y a des gens pour attraper le bâton et vous battre, d'autres pour ricaner sous cape. Des lecteurs pour se désabonner à la première faute d'orthographe. Si. Même chose quand vous publiez un extrait de chronique de blog.

Mea culpa, j'ai le don pour faire un copier-coller vite fait, en ayant choisi LA ligne dans la chronique où il y a une faute d'ortho ou une typo.
Pas la classe.

(Je m'excuse pour les fautes dans mon blog, au passage. Ne me quittez paaaas.)

Est-ce que les réseaux sociaux sont un passage obligé ?


Pour un auteur, être ultra-présent sur le web n'est pas obligatoire à mon avis. Le temps, les parutions, le travail des éditeurs, les chroniques, les interviews font leur oeuvre. A chaque nouveau roman, le pool de lecteurs grandit. :-D A mon échelle modeste, les réseaux sociaux sont un genre de bonus pour communiquer avec les lecteurs.

Lorsqu'on maîtrise ces outils, cela peut contribuer à se professionnaliser (un beau site, un beau blog, des comptes actifs et suivis par quelques dizaines ou centaines de personnes). Il n'y a pas que les lecteurs qui s'intéressent à ces médias, les éditeurs aussi.

Il y a un choix à faire, en fonction de ses envies. En tout cas, je ne crois pas que "se forcer" soit une bonne idée.

En conclusion


Se préparer et réfléchir à ce qu'on va faire de ces outils avant de se lancer me paraît être une sage façon de procéder.

Mais sinon, honnêtement, il n'y a rien de plus important qu'écrire de bons romans.

Ca, j'y crois.

* J'en profite pour remercier les gens qui suivent mes écrits ou mes discussions, parce qu'ils sont charmants et que leurs petits mots sont autant d'encouragements qui me touchent.